Mort sur Lie

Sous la vigne, le silence

Le matin s’étira sur Villefranche-les-Caves comme une nappe à carreaux trop froissée. Une brume lourde, blanche et curieuse, s’infiltrait dans les venelles, se glissait entre les pavés, et s’enroulait autour des façades comme une vieille tante envahissante. Les oiseaux chantaient faux, comme s’ils savaient que le jour ne serait pas franc du collier.

Et sous le vieux calvaire, celui qui surplombe les rangs de gamay comme un juge en préretraite, on trouva le corps.

Allongé là, bras en croix, habillé d’une aube de curé maculée de vin — un pinot noir, si l’on en croit le nez de Jo — le macchabée avait l’élégance tragique d’un sermon interrompu par le diable en personne. Une croix renversée, gravée dans la terre par une main décidée, complétait le tableau. Et dans sa bouche, un raisin. Pas n’importe lequel : un cépage interdit, retiré de la coopérative depuis l’affaire des vendanges fantômes de 1993.

Inspecteur Jean Argie arriva le premier sur les lieux. Il portait sa casquette de mauvais poil, son manteau de perplexité, et son regard de “je sens que ce vin va mal tourner”. Nenette, la tendre et acerbe, l’avait prévenu en grognant dès le lever :